Un article écrit par
Anne Jeger, psychologue clinicienne et thérapeute.
Elle assure le suivi de couples infertiles et/ou suivant une PMA
C'est une épreuve d'apprendre qu'un membre du couple est infertile ou que les deux le sont, ou qu'aucun n'a de problèmes physiologiques ou médicaux et qu'il s'avère manifestement difficile voire impossible de concevoir un enfant.
Cette épreuve peut être accompagnée avec un suivi psychologique.
Divers émotions et sentiments sont éprouvés lors de cette nouvelle: le choc, le déni, la colère et plus précisément la révolte, le sentiment de culpabilité, la tristesse, la honte... Ils s'installent parfois pendant plusieurs mois, voire des années, s'ils ne sont pas exprimés et entendus, si d'autres projets féconds ne voient pas le jour.
Ils sont vécus différemment chez l'homme et chez la femme. Leur intensité varie en fonction de l'histoire de chacun, de leurs ressources, des blessures passées, de leur terrain psychologique et selon qui est "porteur" de cette infertilité.
La femme l'éprouve dans son corps. Chaque mois elle est réglée et espère ne pas l'être. Chaque mois, certaines d'entre elles sentent des signes corporels de grossesse (maux de ventre, seins tendus, nausées, etc.) - en vain. Leurs compagnons sont à leur côté. Ils peuvent y être sensibles ou pas. Ils peuvent être à l'écoute ou pas. Leur silence, leur malaise, leur repli, sont souvent le reflet de leur impuissance et de leur pudeur.
Les hommes qui présentent un problème d'infertilité comme l'oligospermie, l'azoospermie ou l'asthénospermie, ont tendance soit à se révolter, soit à taire ce qu'ils vivent pour certains comme une impuissance, une incapacité à "faire" un enfant.
Hommes et femmes sont tout deux confrontés à l'impuissance de ne pas " pouvoir ", de ne pas y arriver, de ne pas être à la hauteur, de ne pas transmettre, d'être handicapés, de ne pas être comme les autres... Ce qui provoque souvent un isolement, le sentiment de ne pas être compris à la fois de leur partenaire et de leurs amis ou de la famille.
Chaque individu vit cette épreuve à sa façon, ce qui induit des malentendus "il ne dit rien... elle s'énerve tout le temps...il travaille trop...elle ne veut plus faire l'amour..." Et pour cause.
Il arrive un temps où la distance s'impose d’elle-même car les traitements s'immiscent inéluctablement dans la vie conjugale. Tout devient mécanique et orchestré : prise de comprimés à telle heure, rapports dirigés, piqûres quotidiennes, test d'urine, relevés de sperme...
Le vécu de ce parcours et de ses différentes étapes sur les plans émotionnel, physique et psychologique ont un impact sur la relation de couple: incompréhension, irritabilité, repli sur soi, difficulté à communiquer, déprime voire dépression, baisse de la libido et donc du désir sexuel…et éloignement progressif.
L’une des émotions la plus difficile à exprimer en consultation est la colère ressentie à l'égard du partenaire qui est porteur de l'infertilité – celui-là même qui éprouve souvent une grande culpabilité. S’ensuit la question de savoir si la relation peut tenir à terme sans enfant…
Il arrive un moment où il devient très éprouvant de continuer ce parcours sans aide extérieure. Le couple a des ressources inestimables mais elles ont tendance à s'épuiser au fil du temps. Les partenaires s’essoufflent, souffrent et se font mal.
Ce pourquoi il est préventif et judicieux de consulter un professionnel dès que ces réactions se manifestent pour dé-poser ce qui pèse lourd pour chacun et qui se met au travers de la relation conjugale afin de trouver ou de tisser d’autres projets de vie au coeur même de cette épreuve.
Cet article vous a interpellé, vous vous posez des questions ? Posez votre question à jegeranne@hotmail.com, Anne Jeger, psychologue, vous répondra.
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